1 lien privé
En 2014, près d’un millier de nos jeunes concitoyens sont partis volontairement en Syrie pour se battre au nom de Dieu, interpellés par une propagande diffusant massivement sur Internet des prêches soi-disant religieux entrecoupés de vidéos exhibant des meurtres effroyables. S’il n’est pas question d’atténuer la responsabilité d’actes terroristes en invoquant une quelconque excuse psychiatrique, on peut cependant se demander, avec la psychanalyse, ce qui provoque, chez des jeunes gens des deux sexes, ces ruptures brutales, ces décrochages souvent inattendus de leur milieu social, familial, scolaire, religieux, et ce passage immédiat à une violence meurtrière justifiée par des idéaux simplistes. M’appuyant sur un exemple clinique et sur des témoignages, j’interrogerai la force mortifère en jeu dans le terrorisme contemporain avec pour références, notamment, Freud et ses pathologies de l’idéal lorsqu’il se met au service de la pulsion de destruction.
Asiem El Difraoui, docteur de l’Institut d’études politiques de Paris, est spécialiste de la mouvance djihadiste internationale. Il a notamment publié Al-Qaïda par l’image. La Prophétie du martyre, Paris, PUF, 2013. Milena Uhlmann, docteur de l’université Humboldt de Berlin, est spécialiste des processus de conversion à l’islam.
Pour faire face au radicalisme, certains pays ont développé des programmes de prévention. Si l’efficacité de ces programmes est difficile à évaluer, les exemples allemand, britannique et danois permettent néanmoins de tirer certaines leçons qui pourraient s’avérer utiles en France.
« J'aimerais être martyr, comme ça j'irai au paradis. » Ahmad (pseudonyme) est l'un des 160 détenus se revendiquant de l'islam radical interviewés par Farhad Khosrokhavar. Son discours est posé, convenu, émaillé de phrases à l'emporte-pièce. Dans son discours comme dans celui de ses codétenus, se manifestent deux types de griefs - attendus, répétés - contre l'Occident : culturels, contre la permissivité, notamment sexuelle (« Les Français (...), ils vivent comme des bestioles ! (...) L'homosexualité (...), ceux qui font ça (...), c'est des bêtes, des animaux. ») ; politiques, contre un Occident vu comme régenté par l'Amérique et réprimant la communauté islamique. Les humiliations se rejoignent : celle perçue comme infligée internationalement à l'islam fusionne avec celle, individuelle, du jeune issu de l'immigration, sans emploi, qu'il soit diplômé ou pas. Comme le dit l'un d'entre eux, « j'étais un musulman (...) que les Français méprisaient parce qu'ils ne me craignaient pas assez. (Aujourd'hui) on a peur de nous, on nous traite de fanatiques (...), mais on ne nous méprise plus. C'est ça, l'acquis de l'islamisme. »
Le livre est scindé en deux. D'abord 14 entretiens avec des détenus, complétés de commentaires. Puis une seconde partie, d'une centaine de pages, intitulée « Qui sont les islamistes ? ». F. Khosrokhavar estime au final que ce qui fait « la force de l'islamisme », c'est que « des gens fort différents, aux parcours personnels totalement hétérogènes, vivant aux quatre coins du monde (...) peuvent s'affilier aux réseaux du jihadisme, en raison de leur haine de l'Occident et du sentiment d'être agressés par lui ». Il en conclut qu'en Europe, « l'extrémisme religieux est à la fois d'origine interne (racisme et exclusion) et externe (réseaux terroristes transnationaux), la concomitance des deux facteurs rendant complexe son traitement. De fait, il faut combiner la lutte pour le démantèlement des réseaux terroristes avec la lutte contre le racisme et l'exclusion sociale d'une jeunesse qui se sent profondément méprisée et dépourvue d'avenir. »
The report, ISIS in America: From Retweets to Raqqa consists of two parts. The first examines all cases of U.S. persons arrested, indicted, or convicted in the United States for ISIS-related activities. A wide array of legal documents related to these cases provides empirical evidence for identifying several demographic factors related to the arrested individuals. This section also looks at the cases of other Americans who, while not in the legal system, are known to have engaged in ISIS-inspired behavior.
The second part of the report examines various aspects of the ISIS-related mobilization in America. Here the report analyzes the individual motivations of ISIS supporters; the role of the Internet and, in particular, social media, in their radicalization and recruitment processes; whether their radicalization took place in isolation or with other, like-minded individuals; and the degree of their tangible links to ISIS. It concludes with recommendations to combat ISIS recruitment
Slate en a fait une recension en français: http://www.slate.fr/story/110883/sympathisants-daech-etats-unis
Les attentats du 13 novembre ont causé de nombreux traumatismes que l’on pourrait être tenté d’assimiler à ceux dont souffrent les personnes réfugiées, qui par définition ont fui la violence extrême.
Si l’on peut trouver des points communs sur les différentes façons qu’a l’être humain de réagir à l’irruption de la violence, les circonstances dans lesquelles ces traumatismes ont été créés ne sont pourtant pas comparables. Interview d’Helena D’Elia, psychologue et psychanalyste à la fois au Centre Primo Levi et en cabinet privé.
Conférence du cycle pluridisciplinaire d'études supérieures (CPES) - 21 mai 2015 - Farhad Khosrokhavar , Sociologue, directeur d'études EHESS
Les deux types de djihadisme européen:
- jeunes hommes de 20-30 ans, de famille éclatée, de milieu pauvre et immigré, passés par la délinquance et la prison
- garçons et filles de 12-18 ans, de la classe moyenne, recrutés sur Internet
Le 16 novembre, Le Monde publiait une chat avec lui http://alencontre.org/europe/france/attentats-le-role-des-mosquees-est-tres-efface-dans-la-radicalisation.html
Comment comprendre cette radicalité, en identifier les causes pour pouvoir lutter contre elle, l'enrayer? Quels en sont les ressorts psychologiques et sociaux? Sur quels troubles subjectifs et collectifs s'appuient les idéologies violentes?
Conférence de présentation de son livre à partir de la minute 15
" la grande majorité [des radicalisés] est dans cette zone moratoire du passage à l’âge adulte qui confine à l’adolescence persistante. Cette période de la vie est portée par une avidité d’idéaux sur un fond de remaniements douloureux de l’identité. Ce qu’on appelle aujourd’hui « radicalisation » est une configuration du trouble des idéaux de notre époque. "
" Aujourd’hui, l’islamisme radical est le produit le plus répandu sur le marché par Internet, le plus excitant, le plus intégral. C’est le couteau suisse de l’idéalisation, à l’usage des désespérés d’eux-mêmes et de leur monde."
"Le martyr est un sujet qui veut survivre en disparaissant. Pour le candidat, ce n’est pas un suicide, mais un autosacrifice, lequel est un transfert par l’idéal absolu vers l’immortalité. "
Fethi Benslama : L’idéal blessé et le SurMusulman/ Farhad Khosrokhavar : Le héros négatif / Paul-Laurent Assoun : Le préjudice radical : de l’idéal à la destruction / Daniel Zagury : Du deuil de soi à l’idéal en apothéose / Patricia Cotti : Persécution et trahison dans la détermination terroriste de Breivik / Olivier Douville : L’enfant soldat : un tueur indifférent ? / Brigitte Juy-Erbibou : Chaos dans la transmission et réparation fanatique / Amélie Boukhobza : De la construction imaginaire du juif dans le discours islamiste extrême / Jean-Jacques Rassial : Le surmoi collectif ne promeut que des idéaux de néant » / Nathalie Broux : L’école des malentendus / Vincent Casanova : Inquiéter les évidences / Richard Rechtman : Remarques sur la démobilisation des « retournants » du Djihad / Alain Vanier : La radicalisation, un symptôme contemporain
L’une des difficultés à étudier le terrorisme, c’est que nous n’avons pratiquement pas accès aux individus terroristes ; seules leurs actions sont visibles. Les fondateurs du groupe terroriste italien les Brigades rouges, par contre, ont raconté leurs expériences et ont expliqué leurs motivations de façon exhaustive. Selon l’auteur, ces autobiographies et les entretiens qu’elle a menés avec plusieurs membres du groupe nous donnent accès aux processus inconscients impliqués dans la formation et le fonctionnement du groupe. À la suite d’une attaque terroriste, on en vient naturellement à s’interroger sur la pathologie individuelle qui pourrait sous-tendre la mise en acte de cette violence extrême. Cet article soutient que la pathologie impliquée dans l’entreprise terroriste ne relève pas de la pathologie individuelle mais groupale. S’appuyant sur les théories de Freud sur les groupes (1921), Bion (1961), Anzieu (1975) et Kaës (2007), l’auteur avance que la théorie psychanalytique est essentielle pour comprendre les motivations et les actions des groupes violents qui, autrement, restent obscures. Bien que la discussion soit limitée à un groupe terroriste, l’auteur espère qu’elle sera également utile pour comprendre la dynamique inconsciente d’autres groupes structurés autour d’une idéologie qui légitime la destruction de la vie humaine.
http://squiggle.be/wp-content/uploads/2015/12/carole-beebe-tarantelli-dynamique-des-groupes-terroristes.pdf
L’auteur analyse la lettre trouvée sur les terroristes du 11 septembre et tente de comprendre l’état d’esprit d’un kamikaze religieux. La lettre en question est sereine et même joyeuse, imprégnée de l’amour de Dieu et du désir de lui plaire. L’auteur suggère que les incantations religieuses et les prières qui se polarisent sur Dieu ont dépersonnalisé les terroristes et leur ont permis d’assumer leur rôle dans un état euphorique. Sur le plan psychanalytique, le thème de l’amour père-fils peut expliquer la détermination extatique des terroristes à exécuter ce qu’ils considèrent être la volonté de Dieu et de comprendre comment ils sont passés de la haine (de soi) à l’amour (de Dieu), et de l’angoisse et du mécontentement bornés à la quasi-peur de Dieu.
Sortie de la religion et retours du religieux
Mondialisation, occidentalisation, religion
Conjoncture totalitaire, conjoncture fondamentaliste
La spécificité musulmane
Les contradictions du fondamentalisme
http://squiggle.be/wp-content/uploads/2015/12/marcel-gauchet-les-ressorts-du-fondamentalisme-islamique.pdf
Cet article revient sur les conclusions d’une enquête ethnographique d’une soixantaine de jours conduite au sein d’un groupe de combattants de l’Armée Syrienne Libre (désormais « ASL ») à Alep et sa région (juillet 2012, janvier 2013) puis d’un groupe de Moudjahidines du Front Islamique à Hama (mai 2014, septembre 2014). Le projet est de comprendre les ressorts subjectifs qui poussent des individus, qu’ils soient civils ou d’anciens militaires, à s’engager dans une lutte armée. Ce texte vise à proposer quelques pistes d’explication sur ce qui conduit des individus à abaisser les frontières ordinaires de la morale pour accepter de tuer ou de mourir à des fins politiques. Au moyen d’une étude ethnographique (entretiens, observations), l’article restitue la façon dont les individus se figurent la légitimité de leur engagement et le processus de radicalisation qui les a conduits à une réappropriation du monde au moyen de la violence. (intéressant mais ne concerne pas les "radicalisés". Le début de l'article relève des considérations méthodologiques de l'ethnologue. On peut passer directement à la page 48)
Ce qu’on appelle les «attentats-suicide» sont apparus au début des années quatre-vingts au Moyen-Orient, en même temps qu’une transformation du discours sur la guerre et la mort en islam, en corrélation avec des remaniements dans les idéaux culturels. C’est ce que cet article tente d’approcher.
Le texte propose une réflexion sur les conditions groupales pouvant mener un individu ordinaire à commettre des actes violents extraordinaires. Notamment, la réflexion porte sur un aspect du fonctionnement des groupes qui permet de comprendre comment un individu sans pathologie peut succomber aux sirènes de l’idéalisation et désinvestir son surmoi individuel pour s’abandonner à un Moi idéal groupal ; soit le fait que des fonctions psychiques habituellement assumées intrapsychiquement par l’individu sont dorénavant déléguées au groupe et en subissent donc une transformation tant au niveau de leur contenu que de leur forme. La fonction du groupe comme « membrane psychique élargie » y est discutée, notamment dans son rapport au surmoi et au Moi idéal.
L’article défend l’hypothèse du polythéisme de l’enfant et du monothéisme de l’adolescent. Les dieux sont des figures parentales idéalisées, opposables aux parents réels; Dieu serait un personnage référentiel dans la subjectivation adolescente.
Cet article est décalé de nos préoccupations mais décrit bien les mécanismes de persuasion en oeuvre dans la radicalisation.
Outre les facteurs économiques et sociaux, les problèmes d'intégration de l'immigration, les dérives sectaires ou religieuses, la criminalité, Gilles Kepel ajoute "l'explication psychiatrique. Le père a généralement disparu et la mère se retrouve seule face à des fratries avec une substitution du père par les pairs et la projection dans le départ en Syrie pour redresser les torts privés et publics." A creuser
Les attentats de Londres en juillet dernier ont fait apparaître une figure inattendue du terrorisme : celle du jeune musulman d’origine pakistanaise apparemment bien intégré dans la société britannique. D’où l’intérêt exceptionnel de l’interview recueillie par le journaliste Aatish Taseer auprès d’un de ces « djihadistes de l’intérieur », venu à l’islam radical à partir d’une expérience de déracinement tout occidentale.
"Les recrues de l’islamisme radical viennent de tous horizons, mais, en Grande-Bretagne, ses agents sont d’un type unique : les Anglo-Pakistanais de deuxième génération. D’une certaine manière, ils ont été profondément affectés par les mutations survenues dans la population ces cinquante dernières années et par le sentiment d’aliénation qui les a accompagnées."